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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le clin d'Å“il de Nada Nassar-Chaoul
Un petit coin de montagne


2015 - 07
Au milieu des villas cossues et des immeubles de haut standing de cette banlieue huppée de Beyrouth, la maisonnette détonne. On la découvre par hasard, au détour d’une marche matinale, nichée, comme honteuse, tout au fond d’une ruelle ombragée.

La courette mal pavée où poussent des herbes folles est protégée du soleil par un vilain parasol défraîchi vantant les mérites incertains d’une boisson gazeuse. La balançoire, qui fut rouge, n’est plus qu’un squelette de métal sur lequel on a posé quelques coussins de fortune, entouré de chaises bancales en osier qui ont connu des jours meilleurs. Mis à part le mankal au charbon de bois, version locale du barbecue, indispensable au méchoui traditionnel du dimanche, qui semble servir, l’ensemble respire l’abandon, les petits moyens et une certaine lassitude de la vie. Tout au fond cependant, une petite grotte scintille, illuminée par un beau cierge rouge flambant neuf. C’est la grotte à la Vierge de Maghdouché, pieusement entretenue par Oum Tony, « déplacée » du Chouf comme on dit pudiquement. Un petit coin de montagne, de ce village qu’elle ne visite plus que pour des funérailles, puisqu’il n’est plus habité que par des vieux.

Là, devant la Mère de Dieu, elle récite son rosaire et entonne avec ferveur, de sa voix éraillée, les cantiques du mois de mai. Là, elle confie à sa Maman du Ciel ses peines et ses soucis. La vie de plus en plus chère, la belle-fille acariâtre, le fils aîné taciturne au chômage et les petits-enfants indifférents. Ses rhumatismes qui la tiennent éveillée toute la nuit et son dos qu’elle ne sent plus à force de faire le ménage. Et surtout, surtout, son rêve le plus cher : reposer, sous les ormes du cimetière de son village, dans ce Chouf qu’elle a tant aimé, aux côtés de son cher époux, qui l’attend sûrement.
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166