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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Au fil des jours...
 
Le clin d'Å“il de Nada Nassar-Chaoul
Dépaysement, je vous dis…


2015 - 12
Vous trouvez Mimi, votre chère copine, bien affairée ces jours-ci. Elle répond à peine à vos coups de fil et sa dévouée Soma, bizarrement, vous répond en permanence « Madam go supermarket ». 

Mimi étant, par nature, peu encline aux achats triviaux, vous vous inquiétez. Et si on vous préparait en douce une petite guerre ? Et s’il fallait, comme elle, s’approvisionner pour la pénurie ? Mimi, introduite dans les hautes sphères, est généralement informée avant tout le monde. Vous la sommez de vous dire la vérité, à vous, son amie de cœur. Elle craque et vous avoue qu’elle se prépare pour… un voyage en Ouzbékistan.

Paraît que la malheureuse entasse dans sa valise, thé en sachets, toasts, portions de fromage emballé, petits biscuits et même bouteilles d’eau, la cuisine ouzbek à l’huile de coton (si, si), étant, d’après le Guide du Routard, devenu le livre de chevet de Mimi, « peu adaptée à des estomacs européens », délicat euphémisme pour dire qu’elle est carrément immangeable. 
Aussi fiévreusement, votre pauvre amie entasse dans ses bagages compressés, aspirine, mercurochrome et pansements pour les blessures qu’elle ne manquera pas – on le lui a prédit – de se faire durant la traversée, en « randonnées chamelières », de contrées désertiques particulièrement hospitalières. Sans compter des anoraks, de grosses chaussettes de ski et des couvertures en poil de chameau pour les nuits glaciales d’hébergement dans des yourtes au sol dur.

Et si l’abominable yeti venait bouffer tout cru votre meilleure amie, ou, pire encore, si le fantôme de Gengis Khan venait la terroriser ? Et si elle se perdait au Kazakhstan ou au Kirghizstan (paraît que ce n’est pas du tout la même chose) ? C’est qu’elle ne parle pas ouzbek pour négocier et qu’elle ne risque pas de l’apprendre de sitôt, ne connaissant aucun national de ce charmant pays.

Quand on pense que Mimi vit dans un superbe appartement, qu’elle n’a jamais cuisiné de sa vie, que Soma lui sert chaque matin son café au lit et qu’elle ne voyage, même à Londres, qu’en première classe, on se demande dans quoi elle a été se fourrer.

Quand elle vous propose de l’accompagner dans l’ascension des sept sommets du Kilimandjaro, vous refusez tout net. Et réservez aussitôt pour Paris. Dans un hôtel du seizième.

Vous le savez, vous êtes une affreuse bourgeoise.
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166