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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Opinion

L’ouverture de la Bibliothèque nationale du Liban, 20 ans après le début du chantier de sa reconstruction, est paradoxalement précipitée. Cette pétition, publiée dans plusieurs quotidiens, s’interroge sur l’opportunité de l’inauguration hâtive qui a eu lieu mardi passé et pointe du doigt les lacunes administratives, opérationnelles et techniques dont souffre encore cette institution.

2018 - 12
Le 4 décembre, inauguration de la Bibliothèque nationale du Liban, événement que vous avez attendu près de 20 ans, la promesse vous en a été faite dès 1999 de faire renaître cette institution, garante de la mémoire du pays, abritant les traces écrites des idées qui se sont échangées ici, les récits de tous ceux qui sont venus d’ici ou d’ailleurs clamer haut et fort leurs convictions, exprimer leurs rêves, relater leur vie. C'est ici que le chercheur trouverait les ressources pour décrire l'histoire du pays, en démêler les complexités et en dessiner l'avenir… 

Cette Bibliothèque, vous l’avez imaginée comme un espace ouvert, source de connaissances, lieu de rencontre des cultures, de préservation du patrimoine écrit, de mise en valeur des expressions culturelles variées, un lieu où se métissent les expressions culturelles et viennent se ressourcer les créateurs.

Mais nous voilà tous une fois de plus floués. Ce projet, où nombreux se sont investis depuis 20 ans, ministres, intellectuels, fondations culturelles, bibliothécaires, architectes, gestionnaires, amis de la BNL, pour renouveler les bases de l’Institution nationale, n’est plus que prétexte à une cérémonie, l’apposition d’une plaque au nom du ministre en poste. Cérémonie qui n’est pas la première : par trois fois on a déjà convié les journalistes, fait venir la télévision, posé la première pierre, annoncé une ouverture prochaine.
À chaque fois, c’est un mirage au lendemain duquel les portes se referment et murent notre mémoire. Il est vrai que nous sommes coutumiers de telles pratiques. Tout écrin dédié à notre histoire collective est entrouvert par intermittence, tel « Beyt Beyrouth » et sa bibliothèque, nous contraignant à n’avoir qu’un aperçu parcellaire et fragmenté sur une histoire ô combien morcelée.

Inaugurer des institutions sans les doter d’une âme qui les anime revient à en nier la fonction et la vocation. Bien qu’un organigramme adapté aux besoins de l’institution ait été élaboré par le comité scientifique, il n’a pas été décrété à ce jour. Les principes mêmes sur lesquels se fonde une Bibliothèque nationale, ses missions seront-ils aujourd'hui relégués aux oubliettes ?

Par ailleurs, les décrets instaurant le Conseil d’administration censé donner une garantie de bonne gouvernance n’ont pas encore vu le jour. Les membres de ce conseil ont pourtant été nommés, certes sur la base du seul critère de l’équilibre confessionnel et politique au mépris de la représentation adéquate des divers secteurs de la production et de la diffusion des biens culturels en général et des livres en particulier. Il est donc vain d’apposer une énième plaque sur le fronton de la BNL sans qu’il soit prévu un nombre suffisant de personnel qualifié pour l’accueil ou l’accompagnement des divers publics vers les ressources de la bibliothèque. 

En fait, un travail sérieux et de fond a été mené depuis plus de 15 ans sur les collections, patiemment triées, nettoyées, restaurées, inventoriées, cataloguées par des bibliothécaires diplômé(e)s,?compétent(e)s, expérimenté(e)s, formé(e)s au sein du projet, maniant les standards professionnels les plus avancés. Tout ce labeur s’est traduit par un catalogue informatisé des collections qu’il est plus que temps de mettre en ligne. 

Afin d’éviter que cette institution ne soit, à l’image de nombreuses initiatives publiques, vidée de son sens et que ses objectifs ne soient détournés, nous, intellectuels, auteurs, artistes, éditeurs, enseignants, bibliothécaires, lecteurs… exigeons une institution d’excellence où les compétences les plus multiples œuvrent en synergie pour préserver, mettre en valeur notre patrimoine culturel, et le rendre accessible à tous. 

Nous réclamons une Biblio-thèque nationale qui soit, pour chaque citoyen, un lieu ouvert, inclusif et privilégié où il peut puiser les éléments nécessaires à la libre construction d’une identité culturelle riche de notre diversité. Nous réclamons une Bibliothèque nationale enfin ouverte au public.

 
Les signataires 

Mohammad Abi Samra, Tarek Abi Samra, Fifi Abou Dib, Abboudy Abou Jaoudeh, Mirna Abouzeid, Paul Achkar, Rasha al-Amir, Murielle Albina, Sanaa al-Jak, Zeina Arida, Randa Asmar, Roger Assaf, Akl Awit, Ritta Baddoura, Tania Bakalian, Najwa Barakat, Abbas Baydoun, Ahmad Beydoun, Dalal Bizri, Hala Bizri, Antoine Boulad, Melhem Chaoul, Nada Chaoul, Paul Chaoul, Chaza Charafeddine, Fatima Charafeddine, Zeinab Charafeddine, Azza Charara, Basma Chebani, Nada Corbani Akl, Antoine Courban, Hassan Daoud, Zahida Darwiche Jabbour  Hind Darwish, Jabbour Douaihy, Adnan el-Amine, Rachid el-Daif, Hanan el-Hajj Ali, Antoine el-Khoury Tawk, Saoud el-Mawla, Mohammed el-Rawas, Mona Fayad, Maya Ghandour Hertz, Joumana Haddad, Michel Hajji-Georgiou, Marwan Hamadé, Caroline Hatem, Jad Hatem, Michel Helou, Bahij Hojeige, Imane Humaydan, Samah Idriss, Jean Jabbour, Joseph Kai, Houda Kassatly, Gérard Katcherian, Issam Khalifa, Gisèle Khoury, Rita Maalouf, Ghassan Maasri, Georgia Makhlouf, Issa Makhlouf, Charif Majdalani, Ziad Majed, Ziyad Makhoul, Chibli Mallat, Paul Mattar, Alexandre Medawar, Tarek Mitri, Nada Moghaizel Nasr, Youssef Mouawad, Yvonne Mourani, Selim Mouzannar, Yasmine Nachabeh, Alexandre Najjar, César Nammour, Michel Nawfal, Leila Rezk, Edmond Rizk, Wissam Saadé, Ibrahim Sader, Nabil Sader, Hazem Saghieh, Nour Salamé, Farès Sassine, Samir Sayegh, Nada Sehnaoui, Alawiya Sobh, Fady Stéphan, Maud Stéphan, Émilie Sueur, Faysal Sultan, Maha Sultan, Jad Tabet, Yakzan Taki, Ahmad Taleb, Nayla Tamraz, Michel Touma, Fawwaz Traboulsi, Nawal Traboulsi, Michèle Wardeh, Abdo Wazen, Fawzi Yammine, Elsa Zakhia, Khaled Ziadeh, Mahmoud Zibawi.

 
 
 
2020-04 / NUMÉRO 166