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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Chroniques
Ada, la force de vivre


Par Fifi Abou Dib
2018 - 10


Il n’est pas de chronique plus douloureuse et en même temps plus nécessaire que la chronique de la maladie. Cette littérature parallèle mérite d’être lue et de trouver, paradoxalement, sa place parmi les manuels de vie. 

Car le témoignage de certains malades, plus vivants et vibrants que tant de personnes en bonne santé, ouvre les yeux sur des valeurs essentielles que l’habitude banalise. Nul n’est à l’abri d’une défection de son propre corps. La bête est docile, hédoniste, heureuse d’exister au point de refuser de lâcher prise au moment où il lui faut, ayant vécu, accepter de mourir puisque l’un ne va pas sans l’autre. 

Mais quand les organes se mettent à tomber en panne, rongés par ce « monstre » dont Ada Jreissati raconte la compagnie forcée, depuis quatre ans qu’il s’est installé dans son corps, alors les gestes les plus évidents se mettent à relever de l’exploit. Le « monstre » dont elle parle n’avait pas sa place dans une vie saine comme celle que menait Ada. Certes, son parcours n’a pas été facile, d’une enfance merveilleuse à un mariage chaotique. Mais elle a toujours été sportive, active, engagée. Injustement, c’est au moment où, après une méchante traversée elle arrive à bon port, enfin heureuse, que se déclare sa maladie. 

Nous sommes en avril 2014. Ada a reçu de sa fille, à l’occasion de la fête des mères, une séance de massage qu’elle décide de reporter au lendemain d’une longue marche dominicale (10 km en 90 mn). Ce moment de plaisir se termine par une bouffée d’angoisse, quand la masseuse prend la main de sa cliente et la pose sur son ventre : « Vous avez ici une masse grosse comme un œuf ! ». Dès lors, Ada est happée dans un vortex épouvantable. Elle subit une ablation de la rate et d’une grande partie du pancréas, se retrouve aux soins intensifs, souffre d’une hémorragie. Mais le pire est encore à venir. Elle est diagnostiquée d’un cancer du pancréas, réputé fatal, et les pronostics des médecins ne lui donnent pas plus de quelques mois à vivre.

C’est compter sans sa combattivité et la force que lui procure l’amour de sa famille et de ses amies. C’est compter sans sa spiritualité, plus profonde de jour en jour. Et peut-être aussi, ce projet d’écriture qui se concrétise, qui lui permet de garder la main sur son destin quand celui-ci lui échappe. Non négligeable est par ailleurs le soutien de son oncologue, Christina Khater, dont elle force l’admiration par son courage, son élégance morale et sa réaliste sérénité. 

C’est d’ailleurs Christina Khater qui préface ce témoignage d’une remarquable sobriété. Son engagement aux côtés de sa patiente rappelle à quel point est indispensable la confiance, voire la complicité du malade et du médecin pour combattre un cancer, maladie sournoise s’il en est. Les bénéfices de l’ouvrage iront au financement de médicaments qui atténuent les effets secondaires des chimiothérapies, non couverts par la Santé publique.
 
 
BIBLIOGRAPHIE 
Or la vie d’Ada Jreissati, L’Orient des Livres, 2018, 128 p.
 

 
 
D.R.
« Nul n’est à l’abri d’une défection de son propre corps. »
 
2020-04 / NUMÉRO 166