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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Voyage en Absurdistan


Par Clémence BOULOUQUE
2008 - 04
Il y a deux ans, Gary Shteyngart, avec son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes russes, s’était fait remarquer, dans les drôlatiques tribulations de Vladimir, arrivé d’Union soviétique aux États-Unis à l’âge de sept ans, embauché dans un centre d’insertion pour immigrés, lui-même éternel figure exotique dans les soirées new-yorkaises branchées, empêtré dans son amour pour sa mère et ses sentiments pour sa petite amie, qui partait tenter l’aventure en apprenti mafieux, aux côtés d’une sorte de Lost Generation dans une Europe orientale infestée par les aspirants romanciers de Manhattan, perclus de dollar et de médiocrité, bons fils à papa. S’inspirant de son expérience personnelle, l’écrivain est devenu avec ce coup de maître le premier représentant d’une génération d’auteurs russo-américains. Il revient ici sur des sentiers parallèles, avec un nouveau double et un roman tout aussi truculent où il abreuve le lecteur des hauts-faits de Micha Vainberg, obèse oligarque, diplômé de l’université de Hasard dans le Midwest et bientôt enlisé dans les sables mouvants de l’Absurdistan. Russe, il est un amoureux transi et éconduit par les États-Unis et une fiancée qui lui a préféré un soudainement médiatique Shteynfarb, auteur du Traité de branlette à l’usage des jeunes arrivistes (sic). Le cœur lourd, Micha Vainberg erre donc de night-club en vodka, son «?mobilnik?» à l’oreille, avec Aliocha-Bob, son meilleur ami, tenancier d’«?Excess Hollywood?», lucratif commerce de DVD. Coincé en Russie, attendant un visa impossible à obtenir au vu des méfaits de son mafieux de père, dont l’un des nombreux forfaits a été d’assassiner un ressortissant de l’Oklahoma, il décide de gagner une république pétrolière et caucasienne?; à sa tête trône un dictateur local, Georgi Kanuk, qui «?offre l’Absurdistan à son fils Débil à l’approche de son trentième anniversaire?». Avec Aliocha-Bob, Micha est entraîné dans une conspiration où pointent le Mossad, un directeur d’hôtel arménien véreux, et quelques autres cadavres dans les placards de ce pays où tous les vénaux du monde se retrouvent pour une guerre civile orchestrée de toutes pièces, savamment juteuse, et dûment filmée par CNN. Le roman navigue ainsi sur une ligne fine où la Russie, l’Amérique et toutes les dictatures de pays en développement, tous les relativismes et autres multiculturalismes sont moqués?; l’humour est assassin et le langage souvent lourd comme l’antihéros du livre…Littérature picaresque et bréviaire de notre temps, Absurdistan est la chronique savamment orchestrée d’un nulle part qui ressemble furieusement à notre monde fou furieux.

 
 
© Ménard Valérie - Opale
 
BIBLIOGRAPHIE
Absurdistan de Gary Shteyngart, traduit de l’américain par Stéphane Roques, L’Olivier, 414 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166