Par Jana JURDAK
2014 - 01
«Il y a des livres qui se lisent vite parce qu’ils sont courts mais qui prennent à la lecture le temps de la vie?». Une vie de joie, de bonheur et d’amour qui fait appel à une autre vie où règnent en maître la peur, la mort et la douleur. C’est le monde parallèle, la traversée du miroir qui frappe la porte de certaines personnes pour les faire plonger dans le malheur et ses mille histoires avant de les rafraîchir par l’eau de l’espoir. C’est bien l’histoire de Boris Razon, un journaliste professionnellement accompli. Il raconte au lecteur, qu'il interpelle tout au long du roman comme un témoin, son voyage de retour dans son premier roman intitulé Palladium. Ce roman prend la forme d’une épopée où Razon est le héros de la paix et de la guerre de l’autre côté du miroir. Boris n’a que trente ans quand un mal mystérieux frappe son corps. Cet homme heureux aimant la vie, sa femme et la cigarette –?car «?fumer c’était vivre, s'infliger soi-même du mal et en jouir?»?– commence à ressentir des douleurs dans le bas du dos. Son état de santé se dégrade très vite?: la douleur déchire son corps et il se trouve, en l’espace de quelques jours, inerte sur son lit d’hôpital sans aucune explication médicale. Le roman est parcouru par des extraits de son dossier médical qui sont une manière de rappeler le lecteur, plongé dans le monde des illusions, à la réalité et de lui faire comprendre que les bruits, les voix et même les paroles que le narrateur entend dans l'autre monde sont volés au monde réel. Le lecteur lit ce dossier médical avec intérêt à la manière d’une enquête policière afin de trouver la clé de son mal. Privé de respiration, de paroles et de sensations, Razon plonge dans les contrées de la vie humaine, c’est le coma qui l’attaque?: «?la métamorphose avait eu de moi. Je m’étais presque entièrement éteint, maintenu en vie par trois tubes, et un petit fil loge dans mon cerveau?». Il embarque pour un voyage solitaire où sa femme, ses parents et sa sœur se débattent au cœur de ses hallucinations. C’est une descente aux enfers peuplée de divers types de dangers très contemporains?: il va être pris dans un tsunami, rencontrer des terroristes et des infiltrés, expérimenter le confessionnalisme, le racisme et le nationalisme et il va vivre une crise identitaire, etc.
Palladium est donc un récit de témoignage qui raconte le combat intérieur de l’auteur pour quitter son corps-tombeau. Le lecteur est souvent invité à analyser les hallucinations du malade pour essayer de comprendre le symbolisme de ces images de l’inconscient (la noyade, la métamorphose en homme-oiseau, etc.). La traversée des ténèbres devient donc un espoir pour arriver à la lumière au bout du tunnel et cela grâce à ce sentiment intense et humain?: l’amour-passion, l’amour fraternel, parental et amical. C’est un cheminement tragique mais surtout spirituel, littéraire et comique. C’est le retour à soi après une expérience infernale. C’est l’histoire d’un homme qui ramasse ses souvenirs imaginés et nous les tend comme des fleurs flétries. Ce premier roman de Boris Razon laisse un parfum étrange après l’avoir lu, comme si le poison qui l’a attaqué est transmis au lecteur à travers les pages et avec lui l’espoir, le courage et l’envie de s’en sortir.
Quiconque aimerait voyager entre plusieurs mondes, voir une infinité de nouvelles images décrites avec un style fluide et nuancé de détails… Quiconque aimerait lire un roman dont le narrateur s’identifie à un illustrateur de bandes dessinées tellement ses descriptions sont précises… Quiconque aimerait lire et frissonner… serait invité à lire Palladium.
Organisé par l’Institut français, en partenariat avec le Bureau Moyen-Orient et l’Agence universitaire de la francophonie, le prix «?Liste Goncourt / Le Choix de l’Orient?» est décerné par un Grand Jury présidé par Charif Majdalani et regroupant des étudiants de cinq pays du Moyen-Orient.
Parrainée par Mathias Énard, auteur de Rue des voleurs, ouvrage primé en 2012, l’édition 2013 du Prix a récompensé Sorj Chalandon pour son roman Le quatrième mur (Grasset), dans le cadre du Salon du livre francophone de Beyrouth et en la présence de Philippe Claudel, écrivain et cinéaste, membre de l’Académie Goncourt.
Pour la deuxième année consécutive, L’Orient Littéraire a choisi de publier une des chroniques d’étudiants sur l’un des romans finalistes.